lundi 26 octobre 2009

La bulle des bulbes

Au cours des derniers mois, la bulle spéculative du prix des bulbes de tulipe de 1636-37 en Hollande a souvent été évoquée - y compris par l’auteur de ces lignes - comme un des nombreux cas de crise économique, imputable à l’avidité des uns et à l’exhubérance irrationnelle des autres. En y regardant de plus près cependant, il est permis de croire que le bailout des spéculateurs par le gouvernement hollandais a, sinon causé, exacerbé cette crise et que le marché n’est peut-être pas aussi irrationnel qu’on aime parfois à le croire. Earl A. Thompson, un économiste de l’école du Public Choice et professeur d’économie à UCLA, a publié en 2007 un article très intéressant sur le sujet.

En octobre 1636, la victoire - inattendue - de la France et de la Suède sur les Allemands marque un point tournant de la Guerre de Trente Ans faisant craindre aux producteurs de bulbes de tulipe hollandais l'effondrement de l’important marché d'exportation allemand. Le prix des bulbes baisse donc d'environ 75%. Mais, pour éviter la ruine des marchands qui détenaient des contrats à terme sur les bulbes livrables en 1637, le gouvernement hollandais annonce qu'il pourrait permettre que les contrats à terme soient rétroactivement convertis en simples options d’achat. Les rumeurs commencent à courir que le prix d’exercice de ces options serait entre 0% et 10% du montant du contrat à terme, sans égard à la valeur des bulbes sur le marché au comptant. S’amorce alors la fameuse bulle spéculative, qui ne porte pas tant directement sur le prix des bulbes que sur le résultat des négociations entre le gouvernement et la guilde des producteurs de bulbes, évidemment opposés à une telle mesure.

Tout au cours de l’hiver, le prix des contrats à terme explose donc par un facteur de 20. Finalement, le 3 février 1637, la guilde des producteurs annonce qu’elle accepte de convertir les contrats à terme en options d’achat dont le prix d’exercice est fixé à 3,5% du prix du contrat, mais seulement pour les contrats signés après le 30 novembre 1636. Le parlement entérine cette décision le 24 février, la «spéculation» prend bientôt fin et, en mai 1637, les prix reviennent à ceux d’octobre 1636. Thompson démontre très bien que le prix des contrats à terme durant l’hiver 1636-37 étaient parfaitement en accord avec la théorie des options et qu’on ne peut pas véritablement parler de spéculation irrationnelle.

Mes remerciements à Gilles Dryancour qui a attiré mon attention sur l’article de Thompson dans son article publié sur l’excellent site de l’Institut Turgot.

Earl A. Thompson: The Tulipmania: Fact or Artifact?

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