lundi 9 novembre 2009

Génération autrichienne

Selon Google Trends, la recherche du terme “Austrian Economics” a augmenté significativement depuis 2007. L’école d’économie dite “autrichienne” fait référence à une longue lignée d’économistes de tradition libérale classique qui, avant la deuxième guerre mondiale, était centrée à l’Université de Vienne. Tout au long du XXe siècle, cette école est restée largement en marge du courant principal de la théorie économique occidentale, dominée par les idées de Keynes, puis de Friedman. Cependant, les deux bulles successives des dotcom et de l’immobilier ont ranimé l’intérêt envers les théories de l’école autrichienne, en particulier celles d’un de ses piliers, Ludwig Von Mises (1881-1973). En effet, Mises proposa en 1912, dans “The Theory of Money and Credit” (mis à jour en 1953), que les crises économiques apparaissent comme la conséquence inévitable des booms artificiels créés par la manipulation de la monnaie et des taux d’intérêt par les banques centrales.

L’école autrichienne semble recruter actuellement des adeptes en grand nombre chez les jeunes étudiants américains. Ceux-ci ont, par exemple, joué un rôle de premier plan au cours de la campagne pour l’investiture républicaine à la présidence de Ron Paul. Peut-être attirés au départ dans les assemblées politiques sur les campus par les positions de Paul en faveur de la décriminalisation de la marijuana et par son antimilitarisme, les collégiens en ressortaient en scandant “End the Fed” et en brûlant des billets de 1$! Le titre du dernier livre de Paul lui aurait été inspiré par ce cri de ralliement. Paru en octobre, “End the Fed” est déjà un succès de librairie, suivant ainsi celui des ouvrages de deux autres “autrichiens”: “Crash Proof” de Peter Schiff (2007) qui en est à sa deuxième édition, et “Meltdown” de Thomas Woods (2009) dont nous parlions plus bas et qui a atteint la 11e position sur la liste des bestsellers du New York Times.

Il ne reste plus qu’à espérer pour eux qu’un expert en branding trouve un autre nom pour remplacer le terme “Austrian Economics”. Comment peut-on espérer convaincre un Américain moyen que la crise financière ait quelque chose à voir avec un aussi petit pays que l’Autriche?!

La vidéo présente Ron Paul, membre du comité de la Chambre sur les services financiers, donnant une leçon d’économie "autrichienne" à Ben Bernanke, le président de la Fed, 7 mois avant la crise de septembre 2008. La vidéo a été vue 221 000 fois.

mercredi 4 novembre 2009

It's the Fed, stupid!

Je concluais mon papier « Comprendre le PCAA », en écrivant que David Li et ses collègues - les mathématiciens de Wall Street - ne sont pas plus à blâmer pour la crise financière que les frères Wright sont responsables du 11 septembre 2001. Je suggérais plutôt de regarder du côté de la turpitude morale de leurs patrons. Dès les premières pages de « Meltdown », l’historien Thomas E. Woods pousse la rhétorique d’un cran en écrivant que de blâmer l'avidité (le «greed») pour la crise est comme mettre la faute d’un écrasement d’avion sur la gravité.

Après avoir consacré de nombreuses pages aux diatribes habituelles contre le Community Reinvestment Act, les programmes d’accès à la propriété, la discrimination positive, Fannie et Freddie, les mythes du New Deal, etc. – pour, à la fin du livre, conseiller aux néoconservateurs de laisser tomber ce discours cul-de-sac – Woods s’attaque enfin à la racine du problème. Ce qui a permis à l'avidité de s’exprimer aussi librement, c’est la manipulation du marché de l’argent par la Federal Reserve et l’aléa moral que constitue la garantie gouvernementale implicite de secourir les institutions financières «trop grosses pour faillir». À ce sujet, il rappelle que le Federal Reserve Act a été écrit en 1910 par un groupe de banquiers afin d’éviter une répétition de la panique bancaire de 1907 et que se serait bien la seule fois de l’histoire qu’un lobby aurait placé l’intérêt public avant le sien.

Woods présente un excellent exposé de la théorie des cycles économiques proposée par l’école dite «autrichienne» (plus là-dessus dans un prochain post) ainsi que sur le rôle moteur de la Fed dans l’apparition, coup-sur-coup de la bulle des dotcom et de celle de l’immobilier. La réponse du gouvernement américain à la crise actuelle (création de monnaie ex-nihilo et endettement) ne fait que favoriser l’apparition d’une nouvelle bulle. D’ailleurs, selon un article du Wall Street Journal d’aujourd’hui même, ce serait déjà commencé. De l’éducation économique à son meilleur.